Fiche d’histoire contemporaine
dimanche 24 août 2008, par
L’Europe qui se construit à partir des années 1950 ne se comprend que dans le contexte de l’Europe nazie qui précède. Longtemps occulté, le sujet de l’Europe nazie a donné lieu à de récentes études. Ce sont les années noires dans l’histoire de la construction européenne.
Il existe un débat dans l’historiographie allemande entre intentionnalistes et fonctionnalistes, soulevé à propos de la Shoah et de la politique étrangère d’Hitler :
Intentionnalistes : pour eux, l’agression allemande a été mise en oeuvre conformément à un programme, à des intentions clairement énoncées = plan par étapes pour la construction d’une hégémonie progressive de l’Allemagne sur l’Europe.
Fonctionnalistes : ils rejettent l’idée d’une planification en amont et mettent l’accent sur la pluralité des acteurs. Ils soulignent également les contradictions internes au régime.
Ce débat entre intentionnalistes et fonctionnalistes ne concerne pas explicitement l’Europe. Pour autant, cette réflexion peut aider à penser la relation entre l’histoire des idées (penser l’Europe) et l’histoire des institutions (construire l’Europe).
L’Europe de Versailles remise en cause
A] Hitler et les remises en cause
Il met en avant la suprématie de la race allemande et la nécessité d’un espace vital, en justifiant cette conquête par la suprématie de la race allemande = continuité du pangermanisme du tournant du siècle. Remise en question du traité de Versailles. 1939 : projet de liquider la paix de Westphalie (1648) en rétablissant la frontière occidentale du Saint-Empire Romain Germanique et d’assurer une suprématie durable de l’Allemagne sur l’Europe (cf. Mémoires de [rouge]Goebbels[/rouge]).
B] Une absence d’appropriation de la notion d’Europe
Le but d’Hitler est de restaurer la Grande Allemagne et pas de construire une Europe nouvelle. Dénonciation des courants européistes = idéologie dangereuse (ignorent la race et la nation). Hitler dénonce Coudenhove-Kalergi. Mouvement Paneurope = forme d’internationalisme qui détourne les peuples de leur chemin. Dès 1933, les paneuropéistes allemands sont poursuivis, le mouvement est interdit en Allemagne et certains de ses membres arrêtés.
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L’Europe nouvelle ?
A] 1940 : l’émergence du thème de l’Europe nouvelle
1) En Allemagne, le thème apparaît en 1939/40
Invocation d’une « Europe nouvelle » à construire (Hitler, Goebbels). Création de revues : Das Neue Europa (« l’Europe nouvelle »), Junger Europa (« Jeune Europe »).
Ce thème de l’Europe nouvelle recouvre plusieurs dimensions :
Cela dit, pas de projet établi mais des contradictions et des visions différentes. Ces visions d’une « Europe nouvelle » vont constituer un horizon d’attente pour ceux qui, dans les 1920’s-30’s, rejettent l’héritage de la démocratie et du libéralisme et agitent le spectre de la décadence.
2) L’Europe nouvelle des collaborateurs
Des courants situés à droite se réclament d’un « ordre nouveau » opposé aux principes de la démocratie et du libéralisme. Thème relayé par [rouge]Drieu la Rochelle, Philippe Pétain[/rouge] et les tenants de la Révolution nationale. Les notions d’Europe nouvelle et d’ordre nouveau servent à justifier la collaboration et à occulter la question de la domination allemande. Arguments : être partie prenante dans l’ordre nouveau en construction, affirmer une place privilégiée dans cet ordre, moyen de la paix et d’un socialisme européen à construire (contre le bolchévisme), assurer la primauté de l’Europe, projet d’intégration économique (espace vital commun).
B] Une conception de combat
La conception de l’Europe nouvelle acquiert une plus grande centralité en 1941 (réunion à Berlin des Etats signataires du pacte anti-Komintern = « premier congrès européen » = Europe « contre »).
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L’Europe dominée
La domination allemande
1) La diversité des statuts
Mosaïque de régimes d’occupation.
2) Une intégration économique
Prélèvements financiers (France = 20 millions de marks/jour) → hausse du pouvoir d’achat en Allemagne. Prélèvements aggravés par les accords de Clearing (14 novembre 1940) permettant à l’Allemagne de se fournir à crédit. → Intégration au bénéfice de l’effort de guerre allemand. Prélèvements agricoles massifs, pillage massif des matières premières (Belgique = ½ production industrielle), main d’oeuvre étrangère réquisitionnée (8 millions de travailleurs civils en 1944).
3) Volonté de remodèlement racial
Mise en place d’un projet d’extermination.
→ La question de l’Europe est marginale dans la politique nazie. Cela dit, des réflexions sur l’Europe sont formulées, même si elles sont secondaires dans la pensée nazie.
Cartes de l’Europe nazie :
Poursuivre votre lecture sur l’Europe :
Affaiblissement et relèvement économique de l’Europe : 1945 - 1951
Source :
cours de Danielle Tartakowsky à Paris VIII, 2007/08.
cours de Robert Frank à Paris I, 2007/08.
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