Pourquoi construire l’Europe ?
Pourquoi construire l’Europe ?
Taille critique du marché : argument utilisés par les tenants de l’économisme.
Argumentation : les progrès techniques tendent à la création de vastes marchés.
Exemple des Etats-Unis dont la réussite est attribuée à son « continentalisme ».
Concurrence étrangère et risque de déclin européen : construire l’Europe c’est à dire volonté de conserver une forme d’hégémonie.
Cf. [rouge]Albert Demangeon[/rouge], Le déclin de l’Europe, 1920 : il parle de « crise d’hégémonie et d’expansion de l’Europe » → « notre vieux pays est-il en danger de descendre, éclipsé par les jeunes nations qui montent ? »,
Cf. concurrence des « pays neufs » : crainte de la vassalité économique par rapport aux E.-U.
Danger de la concurrence asiatique : évoqué par Coudenhove (1924) et repris par Ortega y Gasset (1930).
Menace soviétique : dont on pense qu’elle vise à conquérir le continent européen.
Cf. [rouge]Ortega y Gasset[/rouge] : « la construction de l’Europe en tant que grand Etat national serait l’unique entreprise qui pourrait s’opposer à la victoire du plan quinquennal ».
Réponse à un processus d’autodestruction
Cf. concept de « guerre civile européenne » : idée que l’Europe se fédérera ou se détruira. La fédération est vue comme moyen d’éviter le suicide de l’Europe (guerre) → creuset de la nécessité de l’idée européenne.
++++À qui revient la responsabilité de construire l’Europe ?
À qui revient la responsabilité de construire l’Europe ?
Les penseurs de l’Europe unie préfèrent en général s’en remettre aux élites plutôt qu’aux masses :
- hommes politiques : pour Coudenhove-Kalergi et Heerfordt, il faut les solliciter. Exemple : contacts noués avec Briand par Emile Borel et Coudenhove).
- élites économiques : cf. [rouge]Emile Mayrisch[/rouge] (fondateur du Comité franco-allemand d’information et de documentation, et du cartel sidérurgique de l’EIA, en 1926).
- intellectuels : pour [rouge]Julien Benda[/rouge], les intellectuels doivent promouvoir une éducation européenne, pour construire un système de valeurs (morales et esthétiques) européen (cf. Discours à la nation européenne, 1933).
++++L’Europe par la force ?
Construire l’Europe par la contrainte
Idées des idéologie extrêmes :
- France : pour Maurras (1), l’union de l’Europe ne peut se réaliser que par la domination d’une nation sur les autres : la France doit jouer le rôle de l’hégémon et donner à l’Union européenne une coloration anti-allemande.
- Italie : rêve d’une Europe fasciste et d’un Empire romain ressuscité.
→ Idée que la fédération européenne n’est pas possible sans le leadership d’un Etat.
On retrouve cette idée chez Coudenhove et d’autres : construction autour du couple franco-allemand réconcilié.
(1) Cf. deux articles parus dans L’Action française en 1925 et 1928.
++++Quelles frontières ?
Les plans d’Europe unie sont à « à géographie variable » (cf. Jean-Luc Chabot).
Débat sur les frontières de l’Europe : concerne les marges atlantiques, insulaires et orientales.
Quatre pays font toujours l’objet de discussions :
- Royaume-Uni : exclu par Coudenhove et Trotski, intégré par Heerfordt (+ dominions).
- Islande
- Russie : exclue par Coudenhove, incluse par Trotski
- Turquie : son appartenance à une éventuelle fédération européenne est en débat dès les 1920’s (cf. Coudenhove).
Question des empires coloniaux ayant des métropoles européennes : faut-il aller vers l’internationalisation de la mise en valeur des colonies ? Ou, au contraire, exclure les colonies du processus de construction de l’Europe ?
Mironesco (premier ministre roumain), 1929, conférence à Bucarest : « Nous ne pouvons pas dire maintenant où commence et où finit l’Europe. Mais qu’importe ? [...] En réalité, les confins de la Fédération sont ceux des Etats participants, et pour nous ces confins seront en même temps les frontières de l’Europe... »
→ L’UE est ainsi le projet partagé par des Etats.
++++Mystique, idéologie ou idée politique ?
Mysticisme : les mémoires, comme les écrits de certains promoteurs de l’unification européenne empruntent souvent au discours religieux.
« Croisade » pour l’Europe unie, oeuvre d’une vie pour assurer le triomphe d’une idée.
Ses Adversaires sont le nationalisme, le communisme, le fanatisme.
La référence à Dieu est notamment explicite chez Benda : « L’Europe n’est qu’un moment de notre retour en Dieu ».
Idéologie : peut-on considérer l’européisme comme une idéologie, en réaction au communisme et au nationalisme totalitaire ?
Plusieurs approches :
- européisme = concept politique mixte fait d’emprunts à des doctrines préexistantes, dont le fédéralisme européen (cf. Proudhon)
- européisme = nouvelle forme de nationalisme, prolongement de l’idée nationale du 19è siècle (cf. Discours à la nation européenne, Benda). Europe = en même temps dépassement et réalisation d’un Etat-nation, dans une vision téléologique de l’histoire (cf. Ortega y Gasset).
- européisme = reprise d’éléments de l’internationalisme, du pacifisme et du socialisme (cf. Trotski : Europe comme étape dans la lutte des classes).
- pour Jean-Luc Chabot, l’européisme relève davantage du libéralisme que des autres emprunts, cf. référence au modèle américain (marché continental intégré + fédéralisme)
= libéralisme économique (union douanière, libre-échange) et politique (dénonciation du modèle soviétique, des dictatures et du nationalisme par les européistes)
- européisme = projet technocratique qui fait la part belle aux administrateurs d’entreprises, aux financiers, etc.
→ En fin de compte l’Européisme est fait d’emprunts idéologiques divers provenant des courants de pensée du 19ème siècle (romantisme, fédéralisme, pacifisme, universalisme, arbitrage, socialisme), qui ont en commun la quête d’humanisme. Volonté des européistes de prendre le relais de l’internationalisme wilsonien.
Poursuivre votre lecture sur l’Europe :
Fédéralistes et Unionistes
Construire l’Europe : le débat régionaliste dans les années 1930
Une Europe des démocraties : 1936 - 1940
© Tous les textes et documents disponibles sur ce site, sont, sauf mention contraire, protégés par une licence Creative Common
(diffusion et reproduction libres avec l'obligation de citer l'auteur original et l'interdiction de toute modification et de toute utilisation commerciale sans autorisation préalable).