Ce film résonne comme un parcours, raisonne aussi. Echos de voix, échos des attentes, espoirs, angoisses de quelques hommes et femmes, de l’humanité.
Un linguiste de talent, Dominic Matei, mais à la fin de sa vie, est frappé par la foudre en sortant d’un restaurant. Bras lumineux de dieu ? Toujours est-il que le professeur rajeunit et voit s’ouvrir à lui des capacités intellectuelles encore inexplorées.
Le film avance alors comme un rêve parfois presque suranné, parfois parfaitement cauchemardesque pour proposer une réflexion sur le savoir, sur la vie, sur la fatalité, l’inconscient dans une modulation atemporelle des registres. Le professeur a toujours eu le désir profond, au point de perdre son premier amour, de remonter jusqu’à l’origine des langues, à la proto-histoire, et certainement à l’origine de l’homme lui-même.
Cette remontée vers la genèse possède son caractère mystique et renvoie aux grandes quêtes destructrices de l’homme : celle du Saint-Graal, celle de la vie éternelle. Son amour réincarnée, retrouvée des dizaines d’années plus tard en une autre jeune fille lui ouvre les portes de cette connaissance absolue. Frappée elle aussi par la foudre, elle pénètre dans des phases de régression dans lesquelles elle accueille ou subit des âmes de plus en plus anciennes. Mais comme dans toute quête, il faut choisir.
Film à la facture pour une part intensément classique, aux scènes parfois presque désuettes mais qui se justifient par des jeux d’opposition, l’homme sans âge propose également des originalités cinématographiques, encore une fois pleinement motivées : une vision du monde à l’envers. Il est question de remontée, certes, mais c’est que dans la complexité stimulante des motifs, il y a un double, qui vit en symétrie, si ce n’est à l’envers.
Le double du miroir, le double qui pourtant semble avoir sa propre matérialité ( Laura l’aperçoit une fois, mais peut-être est-ce son amour qui lui permet une vision matérialisée de l’intériorité de Dominic). En alternant les visions dans les miroirs, les scènes de monologue halluciné de Dominic, la voix off, Coppola explore le vrai fantastique. Celui du doute.
Il faut également évoquer Faust, le diable et la damnation dans cette éternité ambigue. La fin, dans un jeu de clair-obscur continue, en cercle, la méditation sur l’existence de l’homme et la vérité, notions que tout le film interroge. L’audition de ces langues premières (araméen, égyptien, sumérien) participe à la sensualité du film et à son mystère, sorte d’ésotérisme faisant déjà signe vers la compréhension.
Enfin un film qui invite à une nouvelle séance.
Titre original : Youth without Youth
Réalisateur : Francis Ford Coppola sur adaptation d’une nouvelle de Mircea Eliade
année de production : 2005
Durée : 2h05
Dominic : Tim Roth
Veronica/Laura : Alexandra Maria Lara
Professeur Stanciulescu : Bruno Ganz
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